KASTEL’ACTU – IMMOBILIER-CONSTRUCTION-ASSURANCES – Jurisprudence Juillet – Août – Septembre 2024
I – CONSTRUCTION
- Réception et garantie applicable
Cass.civ 3ème, 4 juillet 2024, 23-13.038: Réception tacite/ responsabilité contractuelle/ obligation de résultat
La Cour de cassation rappelle que pour engager la responsabilité contractuelle d’un entrepreneur au titre de la garantie des dommages intermédiaires (responsabilité pour faute prouvée) il convient de rapporter la preuve de la réception des travaux.
A défaut d’être expresse, la réception peut être tacite à la condition toutefois de démontrer la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage d’accepter l’ouvrage tel qu’il est.
A défaut de réception, le maître d’ouvrage ne peut rechercher la responsabilité d’un entrepreneur que sur le fondement contractuel. L’entrepreneur étant tenu à une obligation de résultat avant la réception, cette responsabilité contractuelle revient à instaurer une présomption de responsabilité de l’entrepreneur qui suppose de démontrer un dommage et un lien de causalité entre le dommage et les travaux réalisés par l’entrepreneur.
Après réception, la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur est pour faute prouvée. Cette responsabilité est donc plus difficile à caractériser.
- Réception tacite/ présomption/prise de possession
Cass.civ 3ème, 5 septembre 2024, n°23-18.751 : La prise de possession, qui est l’un des éléments nécessaires avec le paiement du prix pour que la présomption de réception tacite soit consacrée, doit être caractérisée.
En l’espèce, des maitres d’ouvrage confient la construction de leur maison à une société qui tombe en liquidation.
Cette société était assurée auprès de la compagnie ABEILLE.
Les maitres d’ouvrage ont entendu rechercher la garantie de la compagnie ABEILLE et pour cela ont invoqué la réception tacite faisait valoir qu’ils avaient payé l’intégralité des travaux et qu’ils avaient pris possession de l’ouvrage.
La Cour d’Appel de RENNES, dans son arrêt du 30 mars 2023 retient la réception tacite aux motifs que les maitres d’ouvrage ont réglé les travaux et qu’ils ont pris possession de l’ouvrage « sans critique du travail réalisé ».
La compagnie ABEILLE a formé un pourvoi reprochant à la CA de RENNES d’avoir déduit l’existence prétendue d’une prise de possession d’une simple affirmation alors qu’il lui revient de préciser les éléments de fait lui permettant de caractériser cette prise de possession.
L’arrêt de la Cour d’Appel est censuré aux motifs qu’« en statuant ainsi, par une affirmation ne permettant pas à la Cour de cassation d’exercer son contrôle sur l’examen des éléments de preuve qui lui étaient proposés, alors que la société Abeille contestait la prise de possession de l’ouvrage, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ».
RECEPTION TACITE = VOLONTE NON EQUIVOQUE DU MAITRE D’OUVRAGE D’ACCEPTER L’OUVRAGE AVEC OU SANS RESERVE = PRESOMPTION SIMPLE DE RECEPTION TACITE : PRISE DE POSSESSION+PAIEMENT INTEEGRAL OU QUASI INTEGRAL DU PRIX
IL FAUT CARACTERISER LA PRISE DE POSSESSION PAR DES ELEMENTS DE FAIT
Cass.civ 3ème, 19 septembre 2024, n°22-24.808 : le fait que Mme [R] avait, trois mois après une prise de possession d’un ouvrage en partie inachevé, formulé des réserves auprès de la société [R], tenté d’obtenir la reprise des malfaçons par les entreprises et recherché des solutions d’hébergement alternatives en urgence, ne retirait rien à la réalité de sa prise de possession de l’ouvrage intervenue le 26 juillet 2017, quels qu’en étaient été les motifs, et relevé qu’elle avait alors procédé au paiement de la quasi-totalité du prix du devis signé ainsi que des factures complémentaires de la société [R], la cour d’appel a pu en déduire sa volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage et, par conséquent, l’existence d’une réception tacite à cette date.
Cet arrêt est à mettre en perspective avec celui-là (Cass.civ 3ème, 26/10/2022, n°21-22.011) où la réception tacite n’a pas été retenue faute de prise de possession caractérisée. Selon la Cour de cassation, la contestation constante et quasi-immédiate de la qualité des travaux, suivie d’une demande d’expertise judiciaire portant sur les manquements de l’entrepreneur, était de nature à rendre équivoque la volonté du maitre de l’ouvrage de recevoir celui-ci.
- Réception judiciaire : critère de l’habitabilité : la volonté du maitre de l’ouvrage ne compte pas
Cass.civ 3ème, 19 septembre 2024, n°22-24.871 : La réception judiciaire, lorsqu’elle est demandée, doit être prononcée à la date à laquelle l’ouvrage est en état d’être reçu c’est-à-dire une maison habitable.
En l’espèce, la Cour d’Appel de Versailles avait écarté la réception judiciaire soulignant que les maitres d’ouvrage n’avaient pas été convoqués pour une réception.
La Cour de cassation casse l’arrêt considérant que l’absence de convocation à la réception n’est pas un obstacle pour prononcer la réception judiciaire dans la mesure où il suffit pour cela de démontrer que la maison était habitable.
- Recours entre constructeurs : confirmation du point de départ
Cass.civ 3ème, 4 juillet 2024, n°23-12.449: confirmation du point de départ des recours entre constructeurs
La 3ème chambre civile de la Cour de cassation confirme sa jurisprudence désormais bien établie depuis son arrêt du 14 décembre 2022: une assignation en référé-expertise délivrée par un maître d’ouvrage non assortie d’une demande de reconnaissance d’un droit, fût-ce par provision, ne fait pas courir le délai de prescription de l’action en garantie des défendeurs contre les autres intervenants à l’acte de construire.
Rappel: le recours entre constructeur: 5 ans à compter de l’assignation au fond.
La motivation retenue par la Cour de cassation est la suivante:
Par un arrêt rendu le 14 décembre 2022 (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305, publié), la Cour de cassation a jugé que le constructeur ne pouvant agir en garantie avant d’être lui-même assigné aux fins de paiement ou d’exécution de l’obligation en nature, il ne peut être considéré comme inactif, pour l’application de la prescription extinctive, avant l’introduction de ces demandes principales, puis en a déduit que, l’assignation, si elle n’est pas accompagnée d’une demande de reconnaissance d’un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l’action du constructeur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures.
Il en résulte qu’une assignation en référé-expertise délivrée par le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage à l’assureur du vendeur ayant financé, à la suite d’un arrêté de catastrophe naturelle, les travaux de reprise de sous-œuvre, non assortie d’une demande de reconnaissance d’un droit, fût-ce par provision, ne fait pas courir le délai de prescription de l’action en garantie de ce défendeur contre les autres intervenants à l’acte de construire.
Pour déclarer irrecevable la demande en garantie de la MACIF à l’encontre des sociétés ETS, Ginger CEBTP et la SMABTP, l’arrêt retient que le point de départ du délai de prescription des recours entre coobligés est constitué par l’assignation en référé-expertise, dès lors que celle-ci met en cause la responsabilité de celui qui est cité et que la MACIF ayant été assignée en référé-expertise par les consorts [X] en juin 2012, le délai de prescription avait commencé à courir à compter de cette date pour expirer, en l’absence d’effet interruptif et suspensif de prescription, au mois de juin 2017, de sorte que son action en garantie intentée le 1er avril 2020 était prescrite.
En statuant ainsi, alors que la cour d’appel avait constaté que les consorts [X] avaient, par acte du 6 juillet 2016, assigné la MACIF en réparation de leurs préjudices et que cette dernière avait exercé son action récursoire à l’encontre des sociétés ETS, Ginger CEBTP et la SMABTP par conclusions notifiées le 1er avril 2020, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
- Etendue de l’effet interruptif de la prescription
Cass.civ 3ème, 11 juillet 2024, n°23-18.495 : L’effet interruptif de la prescription découlant d’une assignation en référé se prolonge, au profit du seul demandeur, jusqu’à la décision ordonnant la mesure d’expertise, et le nouveau délai quinquennal de prescription, suspendu à partir de cette décision, recommence à courir à la date de l’exécution de cette mesure, c’est-à-dire au dépôt du rapport d’expertise.
« Vu les articles 2224, 2239, 2241 et 2242 du code civil :
6. Aux termes du premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
7. Selon le deuxième, lorsque la prescription a été suspendue par une décision ayant fait droit à une mesure d’instruction présentée avant tout procès, le délai de prescription recommence à courir à compter du jour où la mesure a été exécutée.
8. Selon les troisième et quatrième, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription et l’interruption de la prescription résultant de cette demande produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance.
9. La Cour de cassation a jugé que, lorsque le juge accueille une demande de mesure d’instruction avant tout procès, la suspension de la prescription, qui fait, le cas échéant, suite à l’interruption de celle-ci au profit de la partie ayant sollicité la mesure en référé, tend à préserver les droits de cette partie durant le délai d’exécution de la mesure et ne joue qu’à son profit (2e Civ., 31 janvier 2019, pourvoi n° 18-10.011, publié).
10. Pour déclarer irrecevable l’action en indemnisation initiée par le liquidateur judiciaire de la société Isla Nour, l’arrêt retient que la saisine du juge des référés a eu pour effet d’interrompre la prescription et de faire courir un nouveau délai quinquennal, que ce nouveau délai a continué à courir entre le 6 mai 2013, date de l’assignation, et le 25 juin 2013, date de la décision ordonnant la mesure d’expertise, avant d’être suspendu à compter de cette date jusqu’au 24 avril 2015, date du dépôt du rapport d’expertise.
11. Il en déduit que cette période de cinquante jours devant être soustraite du délai quinquennal qui a recommencé à courir à compter du 24 avril 2015, celui-ci a expiré le 5 mars 2020, de sorte que le liquidateur judiciaire ne pouvant pas bénéficier des deux mois supplémentaires accordés par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, modifiée par l’ordonnance du 3 juin 2020 aux délais et mesures ayant expiré entre le 12 mars et 23 juin 2020, son action en indemnisation était prescrite.
12. En statuant ainsi, alors que l’effet interruptif de prescription s’est prolongé jusqu’à la décision ordonnant la mesure d’expertise et que le nouveau délai quinquennal de prescription, qui a été suspendu à partir de cette décision, a recommencé à courir à la date de l’exécution de cette mesure, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »
- Arrêt de la chambre mixte sur le point de départ du délai de prescription en matière de responsabilité civile : confirmation du point de départ des recours en garantie entre constructeurs
Cass.mixte, 19 juillet 2024, n°20-23.527 et 22-18.729 : Le point de départ du délai de prescription d’une action en responsabilité consécutive à un autre litige varie selon qu’il s’agit d’une action principale destinée à réparer un dommage qui est discuté dans un autre litige (dans cette hypothèse le délai court à compter de la décision de justice devenue irrévocable) ou d’une action récursoire à l’encontre d’un coresponsable potentiel (le délai court alors à compter du jour où l’action en justice est engagée contre la personne qui exerce l’action récursoire).
Pour cette seconde hypothèse, la chambre mixte de la Cour de cassation fait référence au recours en garantie exercée entre constructeurs dans le cadre de l’instance exercée par le maitre d’ouvrage.
Il est rappelé que le point de départ des recours entre constructeur est la date à laquelle le constructeur a été assigné au fond par le maitre d’ouvrage ou en référé lorsque le maitre d’ouvrage présente une demande avec reconnaissance d’un droit.
Il en est de même en cas d’action récursoire en cas de vices cachés.
La motivation retenue par cette chambre est très pédagogue :
« Vu l’article 2224 du code civil :
9. Aux termes de ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
10. Il s’en déduit que le délai de prescription de l’action en responsabilité civile court à compter du jour où celui qui se prétend victime a connu ou aurait dû connaître le dommage, le fait générateur de responsabilité et son auteur ainsi que le lien de causalité entre le dommage et le fait générateur.
11. Lorsque le dommage invoqué par une partie dépend d’une procédure contentieuse l’opposant à un tiers, la Cour de cassation retient qu’il ne se manifeste qu’au jour où cette partie est condamnée par une décision passée en force de chose jugée (1re Civ., 9 septembre 2020, pourvoi n° 18-26.390, publié ; 1re Civ., 9 mars 2022, pourvoi n° 20-15.012 ; 1re Civ., 29 juin 2022, pourvoi n° 21-14.633) ou devenue irrévocable (2e Civ., 3 mai 2018, pourvoi n° 17-17.527) et que, son droit n’étant pas né avant cette date, la prescription de son action ne court qu’à compter de cette décision.
12. Ainsi, en matière fiscale, il est jugé que le préjudice n’est pas réalisé et que la prescription n’a pas couru tant que le sort des réclamations contentieuses n’est pas définitivement connu ou que le dommage résultant d’un redressement n’est réalisé qu’à la date à laquelle le recours est rejeté par le juge de l’impôt (Com., 3 mars 2021, pourvoi n° 18-19.259 ; 1re Civ., 29 juin 2022, pourvoi n° 21-10.720, publié ; Com., 9 novembre 2022, pourvoi n° 21-10.632).
13. En revanche, en matière d’action récursoire, il est jugé que la prescription applicable au recours d’une personne assignée en responsabilité contre un tiers qu’il estime coauteur du même dommage a pour point de départ l’assignation qui lui a été délivrée, même en référé, si elle est accompagnée d’une demande de reconnaissance d’un droit. Tel est le cas du recours d’un constructeur, assigné en responsabilité par le maître de l’ouvrage, contre un autre constructeur ou son sous-traitant (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305, publié). De même, la prescription biennale de l’action récursoire en garantie des vices cachés court à compter de l’assignation (Ch. mixte, 21 juillet 2023, pourvois n° 20-10.763 et n° 21-19.936, publiés).
14. Cette différence s’explique par la nature respective des actions.
15. Les premières sont des actions principales en responsabilité tendant à l’indemnisation du préjudice subi par le demandeur, né de la reconnaissance d’un droit contesté au profit d’un tiers. Seule la décision juridictionnelle devenue irrévocable établissant ce droit met l’intéressé en mesure d’exercer l’action en réparation du préjudice qui en résulte. Il s’en déduit que cette décision constitue le point de départ de la prescription.
16. Les secondes sont des actions récursoires tendant à obtenir la garantie d’une condamnation prononcée ou susceptible de l’être en faveur d’un tiers victime. De telles actions sont fondées sur un préjudice unique causé à ce tiers par une pluralité de faits générateurs susceptibles d’être imputés à différents coresponsables. Or, une personne assignée en responsabilité civile a connaissance, dès l’assignation, des faits lui permettant d’agir contre celui qu’elle estime responsable en tout ou partie de ce même dommage, sauf si elle établit qu’elle n’était pas, à cette date, en mesure d’identifier ce responsable.
17. Ces solutions, ainsi précisées, assurent un juste équilibre entre les intérêts respectifs des parties et contribuent à une bonne administration de la justice, en limitant, pour la première, des procédures prématurées ou injustifiées et en favorisant, pour la seconde, la possibilité d’un traitement procédural dans une même instance du contentieux engagé par la victime.
18. Pour déclarer prescrite l’action principale en responsabilité des consorts [H] contre le notaire et la société notariale au titre de manquements à leurs obligations, l’arrêt retient que le délai de prescription a couru à compter de la notification par l’administration fiscale de l’avis de mise en recouvrement, qu’il fixe au 30 septembre 2002.
19. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
- Réparation des préjudices immatériels et prohibition d’une double indemnisation
Cass.civ 3ème, 11 juillet 2024, n°23-17.733 : Les charges d’emprunt, les charges de copropriété et les frais d’abonnement à l’électricité et au gaz, qui constituent la contrepartie de la propriété, que l’appartement fût occupé ou non, exposés durant la période des travaux de reprise ne sont pas en lien direct avec les désordres ou font double emploi avec l’indemnité allouée en réparation du préjudice de relogement durant cette période.
- Obligation de l’architecte /non-respect des normes et réglementation /démolition-reconstruction et principe de proportionnalité
Cass.civ 3ème, 5 septembre 2024, n°21-21.970 :
- La réglementation obligatoire applicable en matière de construction (en l’espèce il s’agissait de la réglementation applicable en matière d’accessibilité PMR) elle celle qui est applicable à la date de la construction et non à la date du permis de construire ;
- L’architecte est contractuellement tenu à l’égard du maître d’ouvrage de concevoir un bâtiment d’habitation satisfaisant aux normes applicables en matière d’accessibilité aux personne handicapées ;
- En l’absence de toute autre solution technique susceptible, en rendant l’immeuble conforme à la réglementation, de réparer le dommage subi par la SCI, il convient d’allouer au maitre d’ouvrage une indemnité équivalente au coût de la démolition-reconstruction, peu importe les autres désordres ou malfaçons constatées, cela n’étant pas disproportionné au regard de la non-conformité réglementaire constatée.
En l’espèce, une SCI maitre d’ouvrage confie à un architecte suivant une mission complète, des travaux de construction d’un immeuble, composé un local professionnel au rez-de-chaussée et de deux logements d’habitation à l’étage.
En cours de travaux, le bureau de contrôle met en évidence des malfaçons liées notamment à une erreur d’implantation et une absence de conformité avec les normes de sécurité et d’accessibilité.
La SCI a refusé la réception et a assigné la MAF en réparation de son préjudice.
La CA de REIMS a fait droit à la demande de la SCI d’être indemnisée au titre de la démolition/reconstruction.
Pourvoi de la MAF avec les moyens suivants :
- La MAF a contesté la non-conformité réglementaire liée à l’absence d’ascenseur en faisant valoir :
- D’une part, que l’immeuble en question n’est pas un bâtiment d’habitation collectif de sorte que l’article R.111-5 du CCH n’a pas vocation à s’appliquer (cette disposition prévoit l’obligation de mettre un ascenseur dans les bâtiments collectifs comportant plus de 2 étage au-dessus du rez-de-chaussée ;
- D’autre part, que la réglementation applicable pour les maisons individuelles ne s’applique pas.
- La MAF a soutenu que le manquement à l’obligation de conseil se résout en dommages et intérêts correspondant au préjudice réellement subi et non en condamnation à une mise en conformité de l’immeuble aux normes applicables, solution disproportionnée ;
- La MAF a soutenu qu’en l’absence de désordre, la méconnaissance d’une norme relative à l’installation d’un ascenseur qui n’était pas contractuellement prévue ne peut caractériser un défaut de conformité au contrat de nature à engager la responsabilité contractuelle de l’architecte.
Réponse de la Cour de cassation qui rejette le pourvoi :
« 10. En second lieu, l’architecte étant contractuellement tenu à l’égard du maître de l’ouvrage de concevoir un bâtiment d’habitation satisfaisant aux normes applicables en matière d’accessibilité aux personnes handicapées, la cour d’appel a retenu, à bon droit, par motifs adoptés, que le défaut de conception, résultant du non-respect des prescriptions réglementaires en matière d’accessibilité des bâtiments d’habitation aux personnes handicapées, en vigueur au moment de la construction de l’immeuble, engageait sa responsabilité contractuelle et, par motifs propres, l’obligeait à réparer le préjudice en résultant selon les principes généraux de la responsabilité civile.
- Ayant retenu que l’immeuble ne répondait pas aux normes d’accessibilité aux personnes handicapées, elle a fait siennes les conclusions de l’expert qui considérait dans son rapport que le bâtiment était « insauvable », que la construction d’un ascenseur n’était pas envisageable à partir des plans tels qu’ils avaient été conçus, que pour inclure un ascenseur dans le volume existant, tout en respectant la réglementation sur les circulations à l’intérieur du bâtiment, il serait nécessaire de pousser les murs vers l’extérieur, ce qui revenait à le démolir en totalité, alors que le bâtiment occupait déjà le maximum de la surface, le PLU interdisant toute extension de l’immeuble.
- Ayant ainsi caractérisé l’absence de toute autre solution technique susceptible, en rendant l’immeuble conforme à la réglementation, de réparer le dommage subi par la SCI, elle a pu en déduire, peu important les autres désordres ou malfaçons constatés, dès lors que la nécessité de reconstruire l’immeuble résultait uniquement de l’absence d’ascenseur, que le paiement d’une indemnité correspondant au coût de la démolition-reconstruction n’était pas disproportionné au regard de la non-conformité réglementaire constatée. »
- Qualité pour agir/compétence du juge des référés/mandataire du maitre d’ouvrage
Cass.civ 3ème, 19 septembre 20204, n°22-21.831 : en l’absence de convention contraire, la désignation d’un mandataire auprès du maître de l’ouvrage, pour représenter les membres du groupement, que celui-ci soit conjoint ou solidaire, n’a pas pour effet de priver ceux-ci de la possibilité d’agir directement en paiement du coût des travaux réalisés, qu’il s’agisse, dans le cas d’un groupement conjoint, des travaux réalisés par l’entreprise demanderesse à l’action, ou, dans le cas d’un groupement solidaire, du paiement du solde global du marché
- Vices cachés : délai de prescription
Cass.civ 1ère, 4 septembre 2024, n°23-14.650 : le délai biennal de l’article 1648 du Code civil est un délai de prescription et son susceptible d’être suspendu par une expertise judiciaire
II – ASSURANCES-CONSTRUCTION
- Etendue de l’indemnisation de l’assureur décennale et activité déclarée
Cass.civ 3ème, 4 juillet 2024 n°23-10.461: Lorsque les désordres de nature décennale relèvent seulement en partie des activités déclarées par l’assuré, l’assureur ne peut pas réduire son obligation indemnitaire aux seuls désordres garantis dès lors que ces désordres imposent de réaliser la totalité des travaux réparatoires.
La Cour de cassation rappelle qu’il résulte des articles 1231-1, 1792 du Code civil et L.241-1 du Codes des assurances « que le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire doit garantir le paiement des travaux de réparation de l’ouvrage à la réalisation duquel l’assuré a participé lorsque la responsabilité de ce dernier est engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil ».
Elle en déduit alors que « lorsque les désordres décennaux imputables au constructeur ne relèvent qu’en partie des secteurs d’activité déclarée, l’assureur de responsabilité obligatoire doit garantir le paiement de la totalité des travaux nécessaires à la remise en état de l’ouvrage, dès lors que ceux couverts par la garantie d’assurance contribuent pour l’essentiel au dommage matériel subi par le maître de l’ouvrage ».
Dans cet arrêt, une cour d’appel avait limité la garantie d’assurance de la SMABTP à un tiers du coût de la reprise des désordres considérant qu’en raison des limites contractuelles de la garantie opposables au maître de l’ouvrage, l’assureur devait indemniser seulement une partie du montant de la démolition et de la reconstruction de l’ouvrage, dès lors que certains désordres l’affectant ne pouvaient être pris en charge au titre de la garantie décennale couverte par l’assurance.
Les juges du fond avaient relevé que sur les cinq désordres décennaux imputables à la société Greensteel Réunion, seuls trois, portant sur la corrosion de la structure métallique, la solidité du plancher, de la terrasse et de la charpente métallique, étaient couverts par la garantie d’assurance au titre des activités déclarées, alors que le dommage matériel retenu pour reprendre les cinq désordres consistait en une opération globale de démolition et reconstruction de la villa.
Ils en avaient alors déduits à tort que l’indemnité d’assurance ne pouvait correspondre qu’à un montant proportionnel au coût de leur reprise, fixé à un tiers.
La Cour de cassation censure cet arrêt reprochant aux juges du fonds de ne pas avoir recherché si les désordres couverts par la garantie d’assurance ne justifiaient pas à eux-seuls, au titre du dommage matériel, la solution réparatoire consistant en la démolition et reconstruction de l’ouvrage.
- Activité déclarée et nomenclature
Cass.civ 3ème, 11 juillet 2024, n°22-22.505 :Les juges du fond doivent rechercher, comme demandé, si l’assuré qui n’a pas déclaré et souscrit à l’activité n°32 « Fumisterie », n’est pas garantie par l’activité n°31 « installations thermiques de génie climatique » déclarée par l’assuré, pour réaliser la pose d’un flexible de tubage d’un poêle à bois, compte tenu de la définition de cette activité n°31 dans la nomenclature annexée aux conditions particulières du contrat d’assurance, soit la « réalisation d’installations (production, distribution, évacuation) de chauffage et de refroidissement ».
L’activité exercée doit s’apprécier par rapport à la définition donnée de l’activité déclarée telle qu’elle résulte de la nomenclature en l’espèce qui était annexée aux conditions particulières de la police d’assurance.
« Vu l’article 1134, devenu 1103, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
9. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
10. Pour rejeter les demandes formées contre la société QBE Europe, l’arrêt relève que M. [O] était assuré pour les activités n° 30 « Plomberie-Installations sanitaires à l’exclusion de la pose de capteurs solaires » et n° 31 « Installations thermiques de génie climatique y compris ramonage et aérothermie, à l’exclusion de la pose de capteurs solaires » mais qu’il n’avait pas expressément déclaré exercer l’activité n° 32 « Fumisterie », qui comprend la réalisation, hors fours et cheminées industriels, de systèmes d’évacuation des produits de combustion.
11. Il en déduit que M. [O] n’était pas assuré pour la pose du flexible de tubage.
12. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la pose d’un flexible de tubage d’un poêle à bois n’était pas comprise dans l’activité n° 31 « installations thermiques de génie climatique » déclarée par l’assuré, compte tenu de la définition de cette activité dans la nomenclature annexée aux conditions particulières du contrat d’assurance, soit la « réalisation d’installations (production, distribution, évacuation) de chauffage et de refroidissement », la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »
- Absence de souscription de dommages-ouvrage et cause exonératoire de responsabilité ? NON
Cass.civ 3ème, 19 septembre 2024, n°22-24.808 : le défaut de souscription de l’assurance obligatoire dommages-ouvrage par le maître de l’ouvrage ne constitue ni une cause des désordres ni une faute exonératoire de la responsabilité de plein droit des locateurs d’ouvrage
- Interruption de la prescription et lettre recommandée sollicitant une nouvelle mesure d’expertise
Cass.civ 2ème, 19 septembre 2024, n°22-22.720 : la lettre de l’assuré qui sollicite une nouvelle mesure d’expertise, en ce qu’elle réclame à l’assureur l’exécution de sa garantie au titre des conséquence du sinistre interrompt la prescription.
Béatrice BOBET
Avocat associé KASTEL Avocats (AARPI)
Spécialiste en droit immobilier
Qualification spécifique en droit de la construction